"Rien ne s'oppose à la nuit", publié en 2011, est un livre à la couverture superbe, dont la lecture laisse un sentiment de gâchis et de tristesse. Les derniers chapitres, en particulier, sont très durs.

Bien sûr, ce n'est pas que ça, c'est la vie d'une Parisienne née en 1946 dans une famille nombreuse, racontée en 440 pages, avec de l'humour, des souvenirs heureux et de la tendresse, mais ce qui va m'en rester, c'est surtout la souffrance de Lucile et celle de ses deux filles, confrontées au trouble bipolaire de leur mère dès la fin de leur enfance et jusqu'à la fin de ses jours, à l'âge de 62 ans.

L'écriture de Delphine de Vigan est fluide, avec un sens certain du rythme. On peut critiquer, se plaindre de l'état de la littérature française car le style est inégal, mais bon, ça se lit bien.

Le récit en lui-même est très détaillé, et puise tellement dans l'histoire familiale de l'auteure qu'on peut se demander pourquoi ce n'est pas une biographie de sa mère, purement et simplement, mais bien, d'après la couverture, un roman. C'est d'autant plus curieux que Delphine de Vigan sort régulièrement du récit pour expliquer sa démarche, ses doutes sur son projet, les réactions de ses proches...

Bref, au début, j'avais tendance à me dire que tout allait être vrai, jusqu'au moment où j'ai compris qu'au moins les prénoms et le nom de la famille avaient été changés (Pierret en Poirier, Priscille en Lucile, et tous les autres prénoms). Est-ce juste ça qui justifie de dire que c'est un roman ? Ou y a-t-il d'autres choses qui ont été inventées ? Mais alors, quoi ? le flou sur ce qui relève du roman m'a semblé, à mesure que je tournais les pages, gênant. Où est la vérité, où est l'exagération, où est l'invention ? Ne pas savoir où se situe la vérité, alors que le récit est triste et dur, me gêne.

Une autre ombre au tableau concerne la place du cannabis par rapport au trouble bipolaire. Moi, je ne fume pas, mais je sais pourtant que le cannabis est un facteur déclencheur de troubles psychiques. Pourtant, l'auteure n'en parle pas en ces termes, elle relie l'apparition du trouble mental de Lucile à un comportement possiblement incestueux que celle-ci aurait subi lors de son adolescence (mais l'auteure précise qu'elle n'a pas trouvé d'étude permettant de relier la bipolarité et l'inceste). N'y aurait-il pas un peu de complaisance envers les risques associés au cannabis ?

En résumé, c'est une bonne biographie peut-être plus romancée que ne l'a prétendu l'auteure, mais jusqu'à quel point romancée, telle est la question.