J'ai entendu parler la première fois du film «La planète des singes» quand j'étais à l'école primaire, il y a plus de 30 ans, et pourtant, je ne l'ai toujours pas vu.

L'explication est simple : un dégoût visuel. L'esthétique du film de 1968, avec ces acteurs déguisés en singes portant des vêtements humains, me semblait tellement ridicule que jamais je n'ai pu concevoir que le film soit autre chose qu'une bouse cinématographique.

J'ouvre une parenthèse : la seule chose qui, pour l'écolier que j'étais, surpassait «La planète des singes» dans le mauvais goût visuel, je crois que c'était la série d'animation «Thunderbirds les sentinelles de l'air» (1965-1966) avec ces poupées, filmées en gros plan, qui pilotaient des avions en plastique. D'un autre côté, j'adorais X-OR, comme quoi, mon sens visuel, mon bon goût, avait aussi ses limites.

Nous sommes donc en 2022 et je viens de lire le roman «La planète des singes», 35 ans après le dégoût visuel sus-mentionné. Je vais faire court : ce roman de Pierre Boulle (1912-1994) est une merveille : il concilie la fluidité du style, l'imagination débordante, une certaine capacité à faire réfléchir, et une remarquable compacité. En seulement 183 pages, l'auteur nous emmène très loin de la Terre, ne se perd jamais en route, tient ses personnages et son intrigue, dans ce qui peut être compris comme une sorte de conte sur l'être humain et son rapport aux autres espèces animales et en particulier les singes.

C'est bien simple, j'ai été tellement impressionné que je me suis renseigné sur l'ami Pierre, et j'ai appris qu'il avait une technique d'écriture «en strates». Il commençait par un manuscrit, traçant les grandes lignes de son roman, qu'il reprenait entièrement à la machine, à deux reprises. Si j'ose une métaphore, l'ami Pierre faisait de la littérature fractale, en plusieurs passes, de plus en plus précises. Il paraît qu'il n'a mis que 6 mois à écrire ce remarquable roman. Chapeau! Un modèle à suivre.

Maintenant, j'ai une question : faut-il que je regarde le film de 1968?…