«Lolita» est un roman à la réputation sulfureuse, que je m'étais juré d'abandonner rapidement s'il s'était avéré être, de quelque façon que ce soit, une sorte d'ode à la pédophilie, même entre les lignes.

Heureusement, tel n'est pas le cas. «Lolita» est un excellent roman, si tant est que l'on veuille bien admettre que la littérature n'a rien à voir avec la morale.

La réussite de ce roman est qu'il traite de manière très intelligente d'une réalité dégueulasse, forcément très délicate à aborder. Dès la première page, on comprend que le narrateur, Humbert Humbert, est en prison, et que le roman est entièrement constitué de ses mémoires. H. H. explique pourquoi il a passé plusieurs années avec Dolorès Hayes, dite Lolita, qu'il qualifie de «nymphette» pendant une longue partie du récit.

Je dois préciser que j'ai lu la traduction d'Eric Kahane (1926-1999), qui a fait un travail exceptionnel, tant le texte original, écrit en anglais par Vladimir Nabokov (1899-1977), qui pourtant était russe, regorge d'adjectifs très rares, visant probablement à montrer que le narrateur n'est pas une brute épaisse, mais plutôt un homme intelligent, mieux capable d'échapper à la police.

De fait, le récit tourne vite au scénario de film noir dans l'Amérique des années 50 (il n'est pas étonnant que Stanley Kubrick ait perçu le potentiel cinématographique de ce roman). Le cynisme du narrateur, Humbert Humbert, est plutôt plaisant, même s'il est clair que c'est un moyen pour lui de masquer son vide intérieur, et son désespoir d'avoir ce penchant illégal, cette passion amoureuse destructrice, pour cette gamine à la fois banale et particulière.

Bref, «Lolita» est un très bon roman noir, avec des personnages pathétiques, qui ne mérite pas tout-à-fait 5 étoiles, car la fin m'a légèrement déçu. Mais le style et l'intelligence narrative de Nabokov sont impressionnants.

Ma note : 4,5 / 5